mardi 11 février 2014

En profondeur : la difficulté du style de bras en projection

Ce billet s'adresse tout particulièrement aux triathlètes et nageurs d'eaux libres. Un certain nombre d'entre eux utilisent une technique de bras que je qualifie de style en projection. Cela consiste non pas tellement à ramener le bras aérien de manière relâché avec le coude plié mais plutôt avec le bras presque tendu et en lançant le bras vers l'extérieur puis l'avant afin de lui donner une réelle inertie (voir notamment les chapitres 33 et 51 du livre).

Ce style de bras a certains avantages et on le voit très souvent utilisé en compétition en eaux libres. Maintenant pourquoi n'est-il pas conseillé aux débutants ou aux nageurs moyens ?

Pour comprendre le problème, il suffit de comparer ses deux vidéos: l'une montre un triathlète au niveau moyen et l'autre celle d'un très bon nageur et coach australien, Brenton Ford, nageant un 400m en 4'15'' environ. 

On peut observer que tous les deux utilisent dans une large mesure ce style de bras en projection et n'adoptent pas un retour aérien du bras relâché, coude fléchi. C'est, par exemple, particulièrement vrai du bras droit de Brenton qui revient très près de la surface. A partir d'une certaine fréquence de bras ou aussi souvent dans certaines conditions de plans d'eau, ce geste devient particulièrement naturel et efficace pour le bon nageur.

Vidéo de Brenton Ford (400m en 4'15'' - tempo trainer : 82)


Vidéo du triathlète amateur


Toutefois, une différence énorme saute aux yeux : en dépit de ce mouvement de bras, le très bon nageur arrive à rester parfaitement en ligne avec tout son corps (tronc, bassin et jambe); le fait de lancer ainsi son bras vers l'extérieur et l'avant ne déséquilibre pas du tout le reste de son corps: il reste parfaitement profilé dans le plan horizontal (son bassin et ses jambes ne partent pas de droite à gauche) et dans le plan vertical (bien qu'on n'ait pas une vue sous-marine, on perçoit bien qu'il reste bien horizontal sur l'eau).

En revanche, le triathlète amateur, lui, nage en godillant avec son corps: le fait de lancer ainsi le bras vers l'extérieur le désaxe à chaque mouvement de bras et le fait entrer sa main droit devant sa tête: la ligne du profil de son corps (du haut de sa main à ses pieds) en vient à dessiner un arc-de-cercle.


 
Ce manque de "rectitude" est extrêmement dommageable pour au moins deux raisons:

- le nageur perd en hydrodynamisme car il augmente sa surface frontale d'avancement ;

- il perd également en énergie (pour ceux qui font du vélo, vous percevez bien la différence entre pédaler sur un cadre mou qui, en se tordant à chaque coup de pédale, va gaspiller une grande partie de votre force et un cadre hyper-rigide qui lui, au contraire, permet un excellent transfert de la force de la pédale vers le pédalier et la roue ; ce n'est pas pour rien que les cadres de vélo de compétition sont particulièrement rigides). C'est la même chose en natation : plus le nageur est désuni, moins efficient il sera dans l'eau.
Pour être efficace, un style en projection doit être obligatoirement lié à un excellent gainage et un très bon équilibre dans l'eau. Si le nageur n'est pas capable d'avoir de tels caractéristiques, il doit sans doute chercher à minimiser tous les mouvements de son corps (bras compris) qui justement tendront à le déséquilibrer et le faire sortir d'une trajectoire rectiligne. Sur l'importance de cette droite, lire par exemple le chapitre 58 du livre).

Bonne nage !